Tuesday, June 09, 2015

BOCKEL


  • Dans le dernier numéro de Zut !, nous vous avions enduits de chocolat. Depuis, vous vous êtes probablement goinfrés à Pâques, et plus si affinités. Mais entre le chocolat et vous -et nous aussi d’ailleurs- ça n’est jamais fini. Un chocolatier avait attiré notre attention, nouveau à Strasbourg, ce passionné est un autodidacte et créé des chocolats particulièrement inventifs. Lui, c’est Jacques Bockel, il a tout appris seul et est mu par son seul désir de créativité. Son but ? « Étonner pour attirer ». Portrait.

    Que celui qui n’a jamais souhaité changer de voie nous jette la première pierre. Il y a ceux qui osent et il y a les autres. Jacques Bockel, 52 ans, fait partie de ceux qui ont osé tout laisser tomber pour se laisser séduire par le goût du chocolat. L’histoire étonne : « On ne fait pas forcément ce qu’on veut quand on est jeune, on se laisse impressionner par sa famille, par ce besoin de gagner sa vie, explique t-il. J’ai commencé en vendant sur les foires et les marchés, rien d’incroyable. Mais au fond de moi, j’ai toujours eu envie d’être à la tête d’une entreprise de bouche. Pourquoi le chocolat ? Je ne sais pas vraiment. Je ne l’ai pas choisi, c’est lui qui est venu à moi. » Du jour au lendemain, le tout jeune Jacques Bockel s’attaque au péché mignon de ces dames, celui qui fond dans la bouche, qui croustille parfois et remonte surtout le moral.
    Il apprend dans un premier temps tout seul dans son coin en lisant beaucoup, en se laissant imprégner par cet univers aux goûts et aux couleurs incomparables. Il se met alors en tête de faire un stage pour se laisser apprendre les secrets du chocolat, mais aucun diplôme et aucune expérience en poche, la plupart des patrons déclinent ses demandes. C’est finalement à Valence, aux côtés du pâtissier-chocolatier Daniel Giraud qu’il fera ses premières armes, il raconte : « Quelque chose a bien fonctionné entre nous. Je crois qu’on avait tous les deux une vision différente du chocolat qui se complétait. Il avait le goût, je parlais de marketing. J’aurai dû rester deux jours, je suis finalement resté quatre jours. J’avais la petite trentaine, et j’avais compris comment se domptait le chocolat. » À son retour à Saverne en 1992, c’est le déclic. Il repère cette ancienne confiserie et la transforme en chocolaterie, mais ne fait que du négoce, il achète, revend, juste histoire de tout comprendre de ce marché.

    Le chocolat dans tous ses états

    Quatre ans plus tard, il créé enfin l’atelier de chocolat et commence à faire son nid. Rapidement, Jacques Bockel comprend que ce produit traditionnel manque d’un vent de folie et commence à expérimenter ses idées délurées : pourquoi ne pas donner des formes peu communes à ce chocolat qu’on connaît principalement sous forme de tablettes, d’œufs ou de lapins ? L’idée n’est pas si révolutionnaire, pourtant il a osé. Sa première success story c’est le Kamasutra, sous-titré « Le chocolat dans tous ses ébats ». L’idée ? Encanailler le chocolat et le mouler sous forme de huit saynètes érotiques. Un tabac. « Ça a été le détonateur, le tremplin dont j’avais besoin pour convaincre. On n’était pas préparé à ce succès. Mais, en toute humilité, je le vois aujourd’hui comme le chocolat du siècle (rires). Parce que, le cours normal des choses veut qu’au bout de trois ans, les gens se lassent d’un produit. Mais le Kamasutra dispose toujours d’une aura extraordinaire. » Après ce coup d’éclat, Jacques Bockel est entraîné dans les tourbillons de la création. Lors d’un audit, on lui reproche même : « Une boulimie de création » à défaut d’une tendance à sur-commercialiser ses concepts. Il confirme : « J’aime bien vendre bien sûr, mais notre force, c’est surtout d’être présents sur des salons, d’être au contact des gens. Ce que je préfère c’est imaginer, créer, sinon je m’ennuie. » Et ça fonctionne. A chaque fin d’années, et à Pâques, les clients envahissent le trottoir devant sa boutique à Saverne. Pourtant, pas question de se reposer sur ses lauriers, Jacques Bockel voit grand : « J’en avais marre de voir les gens attendre pour acheter leurs chocolats, alors j’ai ouvert une deuxième boutique à Saverne. Quelque chose que je rêvais de faire. J’avais envie de montrer ce qu’on fabrique, je voulais que les gens voient tout. » C’est donc une boutique ouverte sur les regards qui voit le jour, et les chiffres suivent.

    Créer, ouvrir, imaginer

    Le chocolatier poursuit son ascension. Grâce à cette autre boutique, il organise des portes ouvertes, des conférences, toujours suivies avec attention par un public gourmand. Et il va même plus loin en initiant son école du chocolat, où il invite le commun des mortels à venir fabriquer son propre chocolat. Forcément l’idée séduit. Aujourd’hui, Jacques Bockel est même obligé de refuser des participants, certains ont même déjà réservé pour Noël prochain…
    À la fin de l’année 2011, nouvelle étape : l’ouverture d’une boutique à Strasbourg, réputée pour accueillir de nombreux chocolatiers talentueux : « J’ai passé quelques nuits blanches, j’étais assez inquiet. Le loyer, les coûts, la concurrence, il fallait assumer tout ça… Au bout de six mois d’ouverture, heureusement, et c’est incroyable on a déjà presque atteint les prévisions de chiffre d’affaires pour un an. » Mais qu’est-ce qui convainc autant chez Jacques Bockel ? Son côté ludique : il bouscule les traditions et n’hésite pas à prendre des risques. Ses dernières facéties parlent pour lui : la tour de Babel, ces grosses tablettes à empiler pour le plaisir du regard et le ravissement des papilles, le cigare du Pharaon, les crayons de couleur, tout surprend. Son concept de la tablette-minute fait aussi des émules : le client passe, choisit ses ingrédients et la tablette est créé en quelques minutes. Du chocolat à la demande, il fallait y penser. « C’est en étant créatif, en sortant des sentiers battus qu’on gagne, sinon c’est foutu », nous dit-il. Par ailleurs, les chocolats de Jacques Bockel sont issus de 23 origines différentes, et chaque produit est affiné pour que le client ait le plaisir de goûter. Pas question de ne découvrir qu’une sorte de praliné, plus il y a de goûts, plus on aime.
    Il travaille par ailleurs avec des produits naturels dès que possible. Il préféra toujours un vrai fruit qu’un arôme sans saveur. Ses prix sont aussi un argument : « Je vends au prix juste, c’est facile à dire mais c’est la vérité. Comme on ne fait que du chocolat, on peut se permettre d’en produire beaucoup et donc de jouer sur les prix. Un pâtissier-chocolatier, lui, peut se rattraper avec les ventes de pâtisseries. Pas moi. Je suis obligé d’être au top tout le temps quantitativement et créativement. » Résultat, le chocolat Bockel fait le tour de l’Europe et rafle des tonnes de prix : prix de l’autodidacte, fève d’or du club des amateurs de chocolat artisanaux d’origine, prix de l’académie du chocolat à Londres, et on en passe, la liste est longue… Pourtant, Jacques Bockel refuse l’industrialisation et la commercialisation à tout va : « Je suis content de ce que j’ai, je préfère garder une entreprise à taille humaine. » Une ambiance familiale renforcée par une vingtaine de salariés qui regardent tous dans la même direction. Des projets ? « Continuer à plaire aux gens, être simple tout en proposant des produits inventifs, ouvrir à Metz aussi, ne jamais reculer, faire rêver. » Et nous on aime quand le chocolat devient aussi bon et délirant.
    Jacques Bockel, chocolatier créateur à Strasbourg, 10, rue du Vieux marché aux poissons.

    No comments:

    Post a Comment

    woutkok@yahoo.com
    ,
    wouter.liekens@cherto.be